En grève jusqu’à la découverte de l’Atlantide

Hier, j’assistais à ma première assemblée générale de l’AFESH. Je sais, je sais… « T’aurais dû y aller avant », « ça nous concerne tous », « putain de réformiste », alouette. En vérité, je me suis surtout impliqué au niveau de mon département depuis le début de mon bac, ne voyant pas trop ce que j’aurais été foutre à la séance d’expression corporelle légendaire de mon association facultaire. 24 heures après la levée de l’assemblée, je me pose toujours la question.

Comme certains d’entre vous le savent, je caressais le projet de soumettre une proposition visant à précipiter la chute du gouvernement Charest tout en favorisant une résolution rapide du conflit (je vous invite à consulter la version va-comme-je-te-pousse ici et la version formelle ici). Comme le disais François Pignon, j’ai fait la boulette. Ma proposition ne fut pas battue, c’est bien pire : je ne l’ai pas présenté.

Je me suis fait avoir comme le débutant que j’étais et le blâme me revient entièrement. J’ai pris pour acquis, allez savoir pourquoi, que ce type de rassemblement était régi par une certaine forme d’étiquette, une entente tacite de savoir-proposer et de savoir-écouter qui garantissait à tous le loisir de se prononcer dans le respect du nombre (i.e. « J’ai dit ce que j’avais à dire et les gens comprennent ma position. Comme je n’ai rien d’intéressant à rajouter, je vais me taire et laisser mes pairs se prononcer »).Pourtant, alors que la masse hébétée dont je faisais résolument partie écoutait, médusée, la propagande moralisatrice qu’on lui forçait de se taper avant de pouvoir voter, une petite brigade d’émotifs saltimbanques verbomoteurs qui, eux, contrairement aux autres je suppose, « ont des rêves », guidait habilement le débat vers l’adoption nécessaire d’un mandat de grève jusqu’à l’obtention de la gratuité scolaire. De la gratuité scolaire.

Allez savoir comment, ça a marché.

Dans ce contexte, après une décision aussi étrange, aussi anti-pragmatique et politiquement suicidaire, je trouvais complètement incohérent de rajouter « ou jusqu’au déclenchement des élections » à la proposition de maintien de la grève. Proposer une issue politique au conflit ne se défend, d’après moi, que lorsqu’on se montre ferme dans nos revendications économiques, pas quand on les remplace par la position de la ligue crypto-bakouniniste de Saint-Alphonse-de-Rodriguez. Camarades gratuitistes de combat, vous êtes désormais, avec les firmes de génie-conseil et Power Corp, les meilleurs alliés de Jean Charest pour la prochaine campagne électorale. Chapeau bas!

Pourtant, sachez que je suis totalement en faveur de la gratuité scolaire. Inconditionnellement! Je suis également résolument pour le maintien de la grève. N’empêche, je suis d’abord et avant tout en faveur de la victoire et d’une résolution aussi rapide que satisfaisante du conflit. Je maintiens que nous ne pourrons jamais faire le moindre gain en dialoguant avec le gouvernement actuel et que la meilleure option qui s’offre à nous est de le faire tomber.

Alors, pour revenir à cette proposition, j’ai fait le choix de ne pas la présenter sous forme d’amendement, mais plutôt de la présenter dans une version édulcorée où le déclanchement des élections menait à un vote de non-reconduction de la grève et non à un retour en classe automatique. Dans cette forme, ma proposition n’avait peut-être plus le mordant de l’originale, mais elle pouvait, sait-on, faire son chemin quand même. Résolu, j’ai attendu. Et attendu. Les propositions, amendements et sous-amendements ce sont lentement écoulés comme des gouttes d’eau qui, au fil des heures, ont commencé à me fendre le crâne. J’avais mal à la tête. Puis, six heure et demi après le début prévu de l’assemblée (12h00), un ajournement (ou une levée, je ne me souviens plus, sinon d’un écho distant qui soufflait que ce n’était pas la même chose) fut voté. J’ai voté pour. J’étais comme mort. Chapeau bas.

Peut-être que le temps est venu de fonder l’aile pataphysique de l’AFESH. Ce serait complètement impertinent, mais ça nous permettrait de rigoler de temps en temps :

« Je propose le maintien de la grève jusqu’à la découverte de l’Atlantide. »

« Je propose le maintien de la grève jusqu’au Ragnarok. »

« Je propose le maintien de la grève jusqu’à ce que le gouvernement installe une statue de Normand Béthune haute de 30 mètres en plein centre de la chambre des communes. »

« Je propose le maintien de la grève jusqu’à l’instauration de la gratuité scolaire pour tous les peuples de la galaxie. ».

Je délire ferme, excusez-moi. Je ne cherche à heurter personne avec ce message, mais il est vrai que je suis déçu parce que je veux que l’on fasse des gains et j’ai l’impression que le vote d’hier nous conduit tout droit dans le mur. Certains diront que je n’avais qu’à le dire au micro et ils auront raison. C’était à moi de venir avant pour comprendre les rouages de votre démocratie.

Toutefois, si des gens souhaitent le faire, il n’est pas trop tard (bien que le temps presse) pour soumettre la proposition à d’autres associations facultaires (plusieurs personnes m’ont dit qu’ils le feraient dans la leur). Avec un plancher d’étudiants qui supportent la proposition, qui sait, peut-être que nous serions en mesure de faire prendre au débat une tournure inattendue…

Eric Lécuyer

Membre du comité exécutif de l’association des étudiantEs en sciences des religions

Catégories : Chronique de la haine ordinaire, Grève générale 2012, Politique et société | Mots-clés : , , , | 4 commentaires

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4 avis sur « En grève jusqu’à la découverte de l’Atlantide »

  1. Ping : Proposition menant à une résolution immédiate du conflit étudiant « La Petite Parèdre

  2. Espèce d’enfoiré sans conscience sociale et sans neuronnes. Et dire que c’est pour des incompétents comme toi qui choisissent la science des religions parce qu’ils ne savent pas quoi faire dans la vie, que je dois m’attendre pour mes vieux jours. Je te conseille de lâcher l’université, aller faire un tour sur le marché du travail et commencer à travailler pour gagner ta croute. Peut-être que cela mettra un peu de plomb dans ton cerveau vide et sec comme le désert.

    • Eric Lécuyer

      Ma foi…vous débloquez complètement mon petit bonhomme! En pondant une critique lapidaire de la stratégie « en grève jusqu’au Big Crunch » de l’AFESH, je m’attendais à recevoir une pluie d’insultes de la part de la grande orthodoxie anarchiste, pas une sorte de sermon de fond de garage livré par un exégète du Journal de Montréal. Comme votre commentaire me fait foutrement rigoler, je vais m’offrir le plaisir de vous répondre.

      Je pourrais difficilement être plus enfoncé dans le marché du travail. Étant conseiller en recrutement dans les secteurs privé et parapublic depuis plus d’un an, je ne me contente pas d’occuper un emploi : j’en trouve aussi à d’autres. Ça ne m’empêche pourtant pas d’être en faveur d’un profond changement social dont bénéficieraient, en mon sens, non seulement le peuple, mais aussi les entreprises. En prenant une série de mauvaises décisions qui provoquent l’érosion du filet social de notre société, les corporations compromettent fatalement leur propre avenir. Ça ne prend pas un doctorat en économie pour comprendre ça.

      Ah! Et puis, peu importe…autorisez-vous à voir au-delà de vous-même. C’est vrai quoi! À quoi bon ce ton sérieux de vieux pingre? Apprenez donc à vous émerveiller plutôt qu’à jouer le gendarme idéologique.

  3. Vincent Garneau

    Les bonnes vieilles Assemblées générales de l’AFESH (ici entendre le chant de la nostalgie).
    Quelques suggestions:
    « Je propose le maintien de la grève jusqu’à l’application du programme du Crédit social. »
    « Je propose le maintien de la grève jusqu’à la création d’une aile folklorique pour toutes formations syndicales ou politiques. »
    « Je propose le maintien de la grève jusqu’à la nomination de Chavez à la tête d’une République démocratique de l’île de Montréal. »

    Il reste à ce mouvement que 2 ou 3 semaines maximums à faire pour obtenir des gains satisfaisants. À mon avis, le dossier de la gratuité scolaire et du rôle des Universités a grandement avancé avec cette grève. Cependant, un tel débat se fera sur un moyen ou un long terme, mais pas dans une Assemblée de reconduction de grève de l’AFESH. La gratuité scolaire se fera AVEC un parti politique comme porteur lors d’une élection. Ainsi, la suite doit se transporter sur la scène politique active à l’intérieur d’une formation susceptible de faire la promotion de ce projet de société.

    Bref, ne lâchez pas et ne créez pas de la division là où il n’y a pas déjà. Soyez unis encore pour les 2 ou 3 semaines prochaines.

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